" Que vaut une vie humaine si elle n'est pas incorporée dans la vie de ses ancêtres et située dans un contexte historique " CICERON
C'est au coeur du 13è arrondissement de Paris - une cité trépidante, une ville dans la Ville -, que vit le Professeur DINH TRONG HIÊU, ethnologue retraité du CNRS, entouré de son épouse et de ses 2 filles.
On ne présente plus ce savant dont les études et communiqués remplissent le catalogue de la Documentation Ethnobiologique du Museum National D'Histoire Naturelle.
Esthète, peintre lui-même, mon ami Dinh Trong Hiêu, mon aîné d'une année, s'adonne à l'art sous toutes ses formes et n'hésite jamais à apporter sa contribution aux expositions de la Capitale : Musée Guimet, Musée Albert-Kahn.....Il ne refuse jamais de prodiguer ses conseils aux étudiants qui se pressent dans son bureau, en quête de soutien pour leur thèse de doctorat.
Aujourd'hui, 56 années après son arrivée en France, à près de 80 ans il se décide enfin à parler de son enfance, de ses jeunes années. C'est un devoir de mémoire, un témoignage pour la jeune génération. Mais c'est surtout un pudique message d'amour pour les siens qui ne sont plus, message au firmament par delà le Temps et l'Espace. Et un immense cri d'admiration pour son père médecin contaminé par ses malades, mort du typhus en Avril 1945, le laissant orphelin à 8 ans et à jamais désemparé. Ce sont des souvenirs peuplés d'êtres purs, imprégnés de grâce et de tendresse : une menotte serrant l'index du Géant-Père; une petite fille enlaçant tendrement sa soeur, toutes deux immaculées, souriant timidement dans la lumière de la Baie de Halong. Ailleurs, une promenade des parents avec des amis, en bateau - trop rare instant de loisir....
En toile de fond, les terribles Mines de charbon de Hongay. Pour cela le Professeur fait appel à Roland Dorgelès et à son ouvrage Sur la Route mandarine. " C'est là toute la force de la littérature que de faire sentir et ressentir quand l'histoire est dans l'explication. " (Jean-Yves Le Naour)
Voir aussi Page VIETNAM HANOI. L. A. SARRAUT
Avec les liens vers divers sites où le Pr. Dinh Trong Hiêu a apporté sa précieuse contribution.
Mon père avec mes grandes soeurs. Ma mère me portant. J'ai aussi une soeur aînée morte à 5 ans, juste avant ma naissance. Circa 1937
Je suis né à Hongay, d'un père médecin et d'une mère au foyer. Jusqu'à l'âge de quatre ans mes premiers souvenirs sont d'un blanc pur, et à quatre ans nous avions déjà quitté Hongay, ville sur la côte, au Vietnam septentrional, pour Cao Bang, ville à la frontière chinoise.
Mes souvenirs de Hongay sont des souvenirs recomposés d'après ce que m'avait raconté mon père et aussi d'après une nombreuse iconographie, dont des photographies de famille qui remontent à 80 ans, au moins. J'estime qu'à 80 ans une mémoire personnelle devrait devenir collective, mon but n'étant pas de parler de moi-même ou de ma famille (nous n'avons rien d'exceptionnel) je me bornerai à garder juste de quoi évoquer ce lieu de ma naissance, Hongay.
2 vues plongeantes de la ville de Hongay : une autochrome par Léon BUSY (circa 1914). Musée départemental Albert-Kahn et une photographie aérienne (circa 1930).
Je m'attarderai un peu sur l'étymologie de ce lieu qui peut s'écrire "à la française" accolé en un seul mot "Hongay", ou "à la vietnamienne" en deux mots non accolés, avec signes diacritiques, où le "y" a tendance à devenir "i" : "Hon Gai" le mot peut alors acquérir une signification à posteriori d' "îlot épineux", qui correspondrait à l'image laissée par une autochrome* faite par Léon Busy dans les années 1914, et au toponyme traduit d' "île aux Buissons" **. La photographie aérienne en N&B montrait un aspect beaucoup plus déchiqueté du pilon calcaire qui surplombait la ville.
Mais rien n'est moins sûr car l'on peut aussi trouver l'orthographe de "Hông gai", c'est d'ailleurs la dénomination en vigueur actuellement, ses composants seraient non-signifiants. Il existe une autre étymologie de Hongay, l'endroit s'appellerait en sino-vietnamien, "Hông Hai" ("Rouge", "Mer") car il était à l'embouchure d'un cours d'eau qui rejetait à la mer des alluvions rougeâtres. Les Français l'auraient réécrit en "Hon(h)ai", avec cette fâcheuse tendance à penser que les "H" vietnamiens sont muets, à élider, puis, au cours des relectures successives le mot serait scindé à un autre endroit pour donner "Hong-gai" qui deviendrait "Hongay". Cette version d'étymologie me semble critiquable, l'endroit, avant l'arrivée des Français n'était qu'un très modeste port de pêche, sans dénomination attestée avant le XIXè siècle, aucun lettré ne s'aviserait à donner à cette boue qui s'écoulait d'un petit cours d'eau le terme d' "océan", quitte à ce que l'endroit devint l'équivalent d'une "Mer Rouge" !
* Photographie couleur sur plaque de verre.
** G. Grandidier (dir.). Atlas des colonies françaises, protectorats et territoires sous mandat de la France. Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales. Paris. 1934. Carte N° XXXIII. détails.
A l'heure actuelle, où le tourisme devient la principale ressource du lieu, le nom de Hongay (ainsi que Hon-Gai, Hông-Gai) a disparu des cartes vietnamiennes pour laisser place à "Ha Long" ("le Dragon immergé").
L'autre autochrome, faite par Léon Busy, nous éclaire sur la véritable raison de la célébrité d'antan de Hongay : les mines de Charbon à ciel ouvert, exploitées depuis 1885, et qui, à l'heure actuelle sont tout simplement épuisées. Roland Dorgelès, en 1929, dans Sur la route mandarine, en a fait une description saisissante : " Elles sont, je crois, uniques au monde, ces mines de Hongay où l'on extrait le charbon à ciel ouvert. Campha, Hatu, Monplanet, grands pans d'amphithéâtre, taillés à même les mamelons. Ce sont de gigantesques escaliers noirs qui escaladent le ciel et leurs parois sont si lisses, si droites, qu'on croirait que le charbon fut découpé en tranches ainsi qu'un monstrueux gâteau. Rien n'est à l'échelle humaine. Tout est trop haut, trop vaste, et les indigènes qui piochent sur les pentes ne font qu'une poussière humaine sur ces gradins de jais ".***
*** Roland Dorgelès. Sur la route mandarine Albin Michel. Paris.1929. p.90
Vue de l'exploitation du charbon dans les mines de Hongay (Hà Tu) un jour de repos. Autochrome de Léon Busy (circa 1914). Musée départemental Albert-Kahn. Le photographe (et polytechnicien) Léon Busy aimait se rendre via Hongay, à la Baie de Ha Long dont il avait laissé de nombreux clichés sur les grottes, la plupart du temps illisibles, ainsi que quelques nus de femmes autochtones.
Quelques pages plus loin, Roland Dorgelès, qui ne fut pas un révolutionnaire, nous relatait le recrutement et le travail des dizaines de milliers de
"coolies" :
" Lorsque l'inondation, parfois, emporte les digues du Fleuve Rouge, dévastent les rizières et que la famine s'abat sur le delta, les nhaqués**** affluent aux charbonnages par villages entiers, venant chercher la pâture qu'ils ne trouvent plus chez eux, et l'on compte alors plus de vingt mille coolies entre Campha et Nagotna. Ce sont pour la mine les bonnes années. Quand je visitai Hongay, les carrières noires grouillaient d'ouvriers. Êtres vêtus de loques. Piocheurs aux bras maigres. des femmes aussi, dont la bouche rouge de bétel semble saigner. Derrière les wagonnets, des nhos***** de dix ans s'arc-boutent, petits corps secs, visages épuisés sous le masque de charbon.
" Quinze sous par jour, me dit seulement mon guide ****** "
**** Mot vietnamien signifiant " paysan ".
***** "Enfant". "Nho", terme vietnamien invariable, est accordé ici selon la grammaire française. Au pluriel ces noms prennent donc un "s".
****** Ibd p. 92
Photographies par Gervais-Courtellemont. L'Indochine. Empire colonial de la France. Librairie coloniale Augustin Challamel. Paris. 1921. pp. 132/3.
Un peu plus loin, Roland Dorgelès donnait un aperçu de ce que rapportait la mine :
" Elle est riche, très riche, vingt-neuf millions de bénéfices nets l'an dernier, c'est-à-dire plus que son capital. Près de vingt millions de réserve avouée, des actions gratuites distribuées aux actionnaires, le titre de deux cent cinquante francs côté maintenant de sept à dix mille. Oui, formidablement riche : les soixante-quatre mille actions qui représentaient à l'émission seize millions valent aujourd'hui plus d'un demi-milliard. Et savez-vous combien ce royaume du charbon rapporte à l'Indochine, à la France ? Rien....[...]. Rien que la haine de milliers coolies (Ibd. p. 94)
L'écrivain laissait en suspension les causes de cette haine. " Devines si tu peux, choisis si tu l'oses. " !
Une chose était sûre : la dégradation, réelle et visible, du paysage de la sublime Baie de Ha Long n'entrait pas dans les considérations des autochtones d'alors. Le travail dans les mines, tout harassant qu'il fût, rapportait de quoi nourrir des villages entiers. Roland Dorgelès laissait planer un mystère, à nous d'en découvrir la raison. La réponse sera donnée quelques années plus tard par mon père, quand nous avons quitté Hongay et quand j'ai acquis plus de maturité, vers l'âge de mes cinq ans, lorsque nous étions déjà à Cao Bang.
Des nombreuses photos de famille prises à Hongay, je conserve encore pieusement une image de la promenade en bateau sur la Baie de Ha Long. Ce fut un rare instant de loisir que mon père se permettait en compagnie de ma mère, sur le bateau où l'on voyait également la femme du docteur Simon (le photographe ayant été certainement le docteur Simon lui-même, qui fit preuve de beaucoup d'habileté, l'appareil de mon père, un Kodak à soufflets, n'étant pas très maniable).
Mon père et ma mère me parlait souvent du docteur Simon à qui mon père était très lié..... Sur mon acte de naissance établi à Hongay (une pièce d'archives que je ferai publier peut-être un jour car c'était un curieux témoignage sur les documents de l'état-civil de l'époque) outre le déclarant, mon père, 32 ans, médecin, l'autre, un médecin vietnamien de 29 ans. Cela faisait 3 médecins en tout : deux indigènes (mon père et le docteur Lê Van Khai) et un médecin européen, le docteur Simon. C'était beaucoup pour la province de Quang Yên avec comme chef-lieu Hongay, où, selon les données fournies en 1931, il y avait sur 100.000 habitants environ 85.000 Annamites, 13.500 Chinois, Japonais, Man, Mèo, Thô, 650 Français ou Européens étrangers. (Ibd. p. 94)
Rare moment de loisir de mon père en compagnie de ma mère en bateau sur la Baie de Ha Long. circa 1938.
En comparaison, la province de Bac Ninh, peuplée de 432. 482 indigènes, 238 Chinois, 9 Japonais, 1.057 Européens civils et militaires, était moins bien lotie, avec un médecin européen et un médecin indochinois, tous les deux de l'Association médicale ! ( Pierre-Edmond About; Guides des Colonies Françaises. Indochine, Cochinchine, Annam, Tonkin, Cambodge, Laos. Société d'éditions géographiques maritimes et coloniales. Paris. 1931. p.290)
A Hongay, selon Roland Dorgelès, un hôpital fut construit exprès pour les coolies. Mon père me disait même que le docteur Simon voulait lui faire abandonner la fonction publique pour aller travailler ensemble à cet hôpital où leur salaire pouvait être doublé, voire triplé. C'était méconnaître l'attirance qu'opérait la fonction publique à l'égard des Vietnamiens, mon père au bout des trois années de résidence à Hongay, fut muté à Cao bang où il resta trois ans (1940-1944) avant d'être muté de nouveau à Vinh Yên vers mi-1944. Il y décéda en Avril 1945, contaminé par ses malades, des prisonniers, atteints du typhus. Jusqu'au bout, il resta dans la fonction publique. A la mort de mon père je n'avais pas encore 8 ans.
J'ouvre ici une petite parenthèse. Quand nous quittions Hongay, je n'avais aucun souvenir de ce lieu, où je suis né. Mais nous partions avec ma nourrice qui était originaire de Hongay, en compagnie de ses deux grandes filles, l'une de plus de 18 ans, elle se mariera plus tard avec notre cuisinier, l'autre âgée alors d'une dizaine d'années, qui sera à la fois notre servante et notre compagne de jeux jusque vers 1952. Longtemps, longtemps après, j'écoutais évoquer Hongay, notamment par ma nourrice, à laquelle j'étais plus qu'attaché et qui avait laissé son propre garçonnet de mon âge à notre service.
Où que ce fût, à cette époque, le pouvoir colonial choyait le personnel médical, chaque fois mon père a eu comme résidence de fonction des maisons dotées de tout le confort, avec d'immenses jardins. Mais ce fut la maison de Cao Bang qui dépassait toute attente. Elle était belle, avec des murs blanchis à la chaux et un jardin que mon père divisait en parcelles, chacune bordée d'épaisses touffes d'Ophiopogon (co toc tiên), il trouva le temps pour tailler les rosiers parfumés et d'un rouge profond comme du velours, et les brider en d'immenses voûtes où nous pouvons nous réfugier sans crainte des épines. De somptueux dahlias fleurissaient à l'automne et mon père m'apprit à en faire des boutures. Quand il rentrait de son travail, il avait plus de temps libre, on regardait dans son microscope et on s'amusait à dessiner des bactéries mises entre lames et lamelles de verre. Souvent il regrettait l'air marin de Hongay, où se trouvait encore la tombe de ma soeur aînée, mais on sentait qu'il fut heureux d'être muté à Cao Bang. Nous eûmes plus de loisirs et parcourûmes la région, avec ses nombreux sites et localités remarquables : le Lac Ba Bê, la ville Nuoc Hai où il existait des haras célèbres Bac Can....Il me parlait de son hôpital à Hongay. Je me souviens comme si c'était hier, il disait qu'à Hongay, tous les jours il y avait au moins une trentaine de coolies qu'on amenait à l'hôpital pour blessures graves, surtout des fractures aux membres, certaines étant des "fractures ouvertes". Il employait pour ces deux derniers mots le français et m'expliquait qu'on voyait les os, çà saignait et les infections étaient gravissimes.
Parfois, souvent, il a fallu amputer, il y avait peu d'anesthésie, des flacons de "Kéléne" qu'on vaporisait à l'endroit de la section, et dont le froid ainsi provoqué adoucissait un peu la douleur. Les gens le suppliaient de leur laisser leurs membres, mais évidemment quand il n'y avait rien d'autre à faire, il a fallu se résigner à l'amputation. Les malheureux criaient, hurlaient, souvent dans la douleur extrême, ils injuriaient mon père, puis une fois guéris ces blessés se confondaient en excuses. Mon père me parlait d'un ton triste, il me parlait du serment d'Hippocrate et me disait que même celui qui lui porterait atteinte avec un couteau, il devait le soigner. Il m'expliquait que devant pousser les "goong", terme vietnamien qui dérivait de "wagon", les malheureux coolies dévalaient la pente avec leur chargement d'anthracite, les goong se renversaient, déraillaient, le tout dans une ambiance d'enfer, au milieu des cris et des poussières noires.
J'étais loin d'imaginer avec exactitude la scène, mais je vivais avec la parole paternelle incrustée dans mes oreilles. Comment était-ce possible ? Quand j'ai grandi, je regarde les photographies des mines de charbon, Hongay, je comprends le pourquoi. Regardez cette image issue du film des Frères Lumière : çà et là sur les pentes on distingue des ouvriers en train de piocher l'anthracite, on dirait des chamois sur le flanc des montagnes, au moindre dérapage ils peuvent se retrouver une vingtaine de mètres plus bas. Le titre donné au film des Frères Lumière fait frémir " Des indigènes gravissent la pente en poussant des chariots ". Ici ils sont à deux et la pente semble monter légèrement, mais souvent on voit des pentes bien plus abruptes, pour monter c'était difficile, mais pour descendre est-ce qu'il y avait un système de freinage ? Les "chariots" étaient des wagonnets lourds déjà à vide, alors que serait-ce quand on les remplissait plus qu' "à ras bord" ? Ils étaient en outre "à bascule", on imaginait sans peine les risques encourus. Mais inutile d'avoir recours à l'imagination, mon père me disait :
" Chaque jour il y avait au moins une trentaine de blessés graves, souvent avec fractures ouvertes ".
Il y a quelques années, un étudiant voulait rédiger un mémoire de DEA d'histoire sur Les Charbonnages de Campha-Mines. Il me posa des questions sur le travail et la vie des "coolies", comme je n'étais pas historien et ignorais les documents adéquats, entre autres les statistiques sur les gens travaillant dans les mines et sur le nombre des blessés, je lui raconte les propos de mon père tout en lui précisant que ce sont des témoignages oraux, indirects, dont les seuls éléments tangibles étaient le nombre de médecins en exercice à Hongay. Je l'orientais vers un roman écrit en vietnamien, par un romancier-journaliste, Lan Khai, mort en 1946 : Lâm than (1938).
C'était un bon document, bien que romancé, sur la vie des "coolies" dans les mines de charbo, et dont le titre, très beau, comportait un jeu de mots intraduisible "Lâm than" signifiait "Misère noire", mais aussi "Noyé dans la poussière de charbon". Cependant, l'étudiant ne connaissait pas le viêtnamien et n'avait ni le temps, ni les dispositions pour apprendre cette langue. Les témoins directs se faisaient rares.
Quoi faire d'autre que de solliciter des lecteurs une réaction critique pour compléter, amender ou contredire ces "Souvenirs de Hongay" à presque 80 ans de distance ?
D.T.H ( 2016/09/05 )
MERCI à FABIENNE SERVAN-SCHREIBER POUR CE REMARQUABLE REPORTAGE : Comment des soldats de la jungle, sans blindés, sans avions, ont-ils pu décimer le 8 Octobre 1950, 8 des meilleurs bataillons d'une des plus grandes armées du monde ? Sonnant le glas de l'Empire colonial de France...N'étaient-ce point les enfants de ces misérables nha qués mordant autrefois la poussière noire des Mines de Hongay ? La rage au coeur, la haine au ventre, la volonté inébranlable de vaincre coûte que coûte pour venger leurs parents estropiés, affamés dans cet enfer nommé Hongay.......
Journaliste, écrivain, Membre de l'Académie Goncourt de 1929 à 1973, Président de cette Académie de 1954 à sa mort en 1973, Roland Lecavelé - DORGELES a laissé une cinquantaine d'ouvrages.
Les Croix de bois, publié en 1919, Prix Femina, le rend célèbre. La même année le jury du Goncourt ne lui accorde que quatre voix contre six à l'Ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust.
Sur la Route mandarine fut notre livre de chevet en Indochine. Paru tout d'abord dans L'Illustration en onze livres du 31 janvier au 18 Avril 1925 avant d'être édité chez Albin Michel en 1925. Ce premier voyage en Indochine inspirera 3 autres textes, pieusement conservés par mes tantes dans notre bibliothèque de Saïgon : Partir (Albin Michel Paris 1926), Chez les beautés aux dents limées (Paris. Laboratoire Martinet 1930), Route des tropiques (Albin Michel Paris 1944).
" Du Tonkin à la Cochinchine J'ai déroulé le long ruban De la Route mandarine Sur qui le manguier noir incline Sa branche et son fruit succulent.
Sur la Route mandarine a été réédité en 2004 aux Editions Kailash Paris-Pondichéry.
J'ai fait la connaissance de Roland Dorgelès grâce à Colette de Jouvenel, fille de la grande Colette et demi-soeur de Bertrand de Jouvenel, ami de mon cher mentor, et ami corrézien, Maître Jean-Louis AUJOL. J'avais 15 ans et j'étais restée bouche bée devant le Maître. Mais c'est seulement après son remariage avec Madeleine Moisson, une amie de Louise Weiss, que je l'ai revu plus souvent. Il habitait Rue Mabillon à partir de 1960. Après sa mort en 1973 je continuais de rendre visite à Madeleine, morte presque centenaire en 1996. Ils reposent tous deux à Montmartre au Cimetière Saint Vincent.
LEON BUSY (1874 + 1951) et ALBERT KAHN (1860 + 1940)
LES AUTOCHROMES QUI NOUS PERMETTENT DE CONNAÎTRE NOTRE "JADIS"
L'INDOCHINE EN COULEURS
LEON BUSY 1874 + 1951
Polytechnicien (1895), Intendant militaire en Indochine et au Tonkin (1898-1917) puis photographe du Gouvernement général de l'Indochine (1922 -1931)
Fils d'un employé des Postes, Léon Busy est né à Paris en 1874.
Elève du Collège des Jésuites de Vaugirard puis de l'école Sainte Geneviève il réussit le concours de l'Ecole Polytechnique où il resta 2 ans avant d'intégrer le Commissariat des Colonies. Après son service militaire à Bordeaux il embarque à destination du Tonkin où il participe à plusieurs campagnes entre 1900 et 1907.
Busy se passionne très vite pour l'autochrome et dès 1911 emploie un Actinophote pour déterminer le temps de pose. En 1913 il est reçu membre de la Société Française de Photographie (SFP) et participe au 6è concours de la photographie en couleurs. Il remporte 2 des 6 prix dont le 1er prix de la section "Vitraux" pour ses vues d'Indochine.
C'est en 1914 que Busy propose à Albert Kahn, banquier et philanthrope, des vues de son prochain séjour colonial pour ses Archives de la Planète. Proposition acceptée et en 1915 un premier lot de plaques autochromes parvient à Boulogne. Il y en aura en tout soixante.
Nous savons que Busy est marié à Marie Hoêrd qui lui a donné 3 enfants dont 2 sont nés à Hanoï en 1899 et 1903.
En mars 1931 il rentre en France pour l'Exposition Coloniale et quitte le service de l'administration coloniale. Jusqu'à sa mort en 1951, nous n'avons aucune donnée sur cette dernière période.
ALBERT KAHN Banquier. Philanthrope
3 Mars 1860 Marmoutier (Alsace)
+ 14 Nov.1940 Boulogne-Billancourt
Dès son arrivée à Paris Albert Kahn s'installe à Boulogne. En 1895 au moment où il commence à acheter des terrains il est déjà un financier qui compte et sa présence en 1909 au Japon comme délégué d'un groupe de capitalistes en témoigne.
Banquier, mécène anthropologue et idéaliste Albert Kahn souhaite jeter les
bases d'une paix universelle en oeuvrant pour la coopération et la communication internationale.
Il a accompli une oeuvre immense, démesurée avec les "Archives de la Planète", les Bourses de voyage Autour du monde, la Société autour du monde....
La crise boursière de 1929 et la crise des matières premières l'acculent à la faillite comme bien des financiers de son époque.
En 1936 la Préfecture de la Seine se porte acquéreur de ses biens saisis en lui laissant la jouissance de sa maison où il meurt le 14 Novembre 1940, totalement ruiné. Un huissier vient faire l'inventaire de ce qui lui reste alors qu'il est encore sur son lit de mort. L'ensemble des autochromes - richesse actuelle du Musée - était estimé à 500 francs la même valeur que ses valises.
En 1968 le département des Hauts de Seine (à la suite de sa création) devient propriétaire du site et des collections dont il est garant de la conservation.
En Avril 1974 succédant à Mme Magné de Lalonde, Jeanne Beausoleil est nommée responsable des collections d'images. Elle constitue sa propre équipe de chercheurs et de techniciens et entame un immense et admirable travail de recherches historiques et de restauration des films et des plaques photographiques. Elle devient conservateur en chef des collections Albert-Kahn.
En 1986 l'établissement devient juridiquement un musée. Le 4 Janvier 2002 le musée est labellisé "musée de France".
Jeanne
Beausoleil quitte ses fonctions fin 2003 et est remplacée par l'historien Gilles Baud-Berthier puis en 2011 par
l'ethnologue Valérie Perlès.
D'ici la fin de l'année 2016 la totalité des 70.000 autochromes seront disponibles gracieusement sur Internet. Isabelle PERRETI est responsable de la mise en ligne du Fonds Albert Kahn.
Mais il existe une autre merveille. Les Jardins sur 4 hectares au coeur de la Ville Créés en 1895 par le célèbre paysagiste Achille Duchêne (1866 + 1947)
10-14 Rue du Port 92100 BOULOGNE BILLANCOURT Tel. 01 55 10 28 00
www.albert-kahn.fr