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Ma Chère Marion, ce 14 février 2018 tu souffles tes 80 bougies.

BON ANNIVERSAIRE . Je suis près de toi par la pensée. Voici quelques brefs souvenirs. Tu te rends compte ! nous deux  c'est 70 années d'amitié, comme chez les philosophes grecs. Et je me dis que nous avons beaucoup de chance de parvenir jusqu'à ce merveilleux millénaire.

Si tu veux on peut écrire nos souvenirs ensemble.

La guerre, les bombardements ont détruit toutes nos photos mais les souvenirs, nous les avons dans nos coeurs.

 

 

 

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   Mon amie de jadis s'appelle Marie AXENOFF. Elle est née à Saïgon le jour de la Saint-Valentin de l'Année du Tigre de Terre - le lundi 14 Février 1938.

Nous nous sommes connues chez les "petits" au Lycée Marie Curie, vers 1948 juste après la guerre. Nous avions 10 et 8 ans et avions gravi les "échelons" du Lycée, ensemble, jusqu'à la défaite de Diên Biên Phu en 1954 puis la prise de pouvoir par le Président Ngô Dinh Diêm. Créature du prélat américain Francis Joseph Spellman, Archevêque de New-York et Cardinal de l'Eglise catholique romaine, notre "cousin catholique" Ngô entreprend de chasser tous les français du pays dès 1955.

Marie était notre gloire de Saîgon, championne de natation, toujours à la une du Journal d'Extrême-Orient et de l'Union Française ¤

¤ L'Union Française a été fondée par Mr. Henri de La Chevrotière, "un cousin" de la famille (sa mère était vietnamienne et mes tantines l'appelaient Bac An). Comme son épouse était en France, à l'heure de l'apéro, il s'arrêtait chez mon grand-père adoptif en rentrant de son bureau rue Catinat sinon je guettais à la grille sa belle américaine décapotable, une Oldsmobile ou Hotchkiss ?, pour lui faire signe de la main.

Il était plus de midi, je devais avoir 10 ou 11 ans, c'était après le Nouvel An. Son chauffeur ne s'arrêtait pas ce midi là mais "Bac Henri" m'envoyait un baiser de la main, puis arrivait une Jeep avec 2 hommes et tout d'un coup une explosion. C'était un attentat : Mr. de la Chevrotière mourait le soir même. Son chauffeur grièvement blessé a pu s'en sortir. Ce drame me hantait de longues années durant car j'étais le témoin principal et on ne comprenait pas pourquoi je répétais "américain, américain". Finalement c'était mon subconscient qui avait repéré la Jeep volée par les assassins à l'Ambassade des Etats-Unis.

Marie venait à la maison à bicyclette, très décontractée, parfois elle enlevait sa jupe et son chemisier lorsqu'il faisait trop chaud et restait en maillot de bains. Notre stricte gouvernante intimait aux serviteurs de se retirer dare dare dans la Boyerie ...."Ma'am, travail pas fait. Mam'selle Championne MaLi  Cul nu là-bas salon".

Souvent j'allais chez elle où elle vivait avec son père, son grand frère Yuri et ses 2 aînées Tamara et Margot. Je me souviens encore de leur gentillesse et de leur indulgence pour leur petite dernière Marie.

J'étais en vacances à Pocantico Hills, lorsque Marie quittait pour toujours le pays de son enfance en Juin 1955, à bord du Clément Ader. C'était là qu'elle tomba amoureuse folle de Jean Danion, son futur époux pour les 60 ans à venir. Ils s'étaient mariés à Marseille le 3 Mai 1958. Jean s'est endormi pour toujours, dans la sérénité, il y a 2 ans et demi. J'ai trouvé le faire-part un mois après mon retour du Golfe. Je n'avais même pas le courage de lui écrire. mais écrire quoi ? Je me souviens d'autres funérailles à serrer, à n'en plus finir, des mains moites de compassion. Mais le chagrin est UN, indivisible et ne se partage pas lorsqu'il s'agit d'un Unique Amour à jamais enfui.

Il reste à Marion leur fils Gérard né le 5 0ctobre de l'Année du Singe de Terre 1968 et ses 2 petites-filles.

 

J'ai revu Marie au début des années 60, entre 2 portes, à Levallois-Perret.

J'étais à l'époque une femme pressée entre mon petit Cessna puis mon petit Hélico.

Puis, comme si le Temps a franchi le Mur du Son nous sommes parvenues au seuil d'un nouveau millénaire.

En 2015, ayant enfin pris ma retraite à 75 ans, ne disposant plus de secrétariat, je me suis mise toute seule au PC avec "Le PC pour les nuls".

Et grâce au Web et à quelques internautes j'ai pu retrouver Marie, devenue Mme Marion Danion.. ...Nous nous sommes données rendez-vous dans le Quartier Chinois, à midi pile, chez Tang Frères, le Mercredi 20 Janvier 2016, après 50 ans d'éclipse.  Et c'était comme si nous nous étions quittées la veille.

 

Lire  http://mapage.noos.fr/aeaf/mdw.htm      cliquer

 Lire   http://danionazurite.blogspot.fr/        cliquer

 

 Lire http://saigon-vietnam.fr/histoire.php     Avec l'expression de notre gratitude

 

¤ Le Clément Ader sur lequel étaient embarqués la plupart de nos amis pour un voyage sans retour.

Lancé aux Ateliers et Chantiers de la Loire (Saint-Nazaire) en juin 1953 sous le nom de Docteur Roux, mis en service en Février 1954 et baptisé le 17 mars 1954 par le Président Vincent Auriol sous le nom de Clément Ader, ce cargo mixte des Chargeurs Réunis gagne Marseille pour être affecté à la ligne Marseille-Saigon via Djibouti et Colombo. Il quitte Marseille le 21 Avril 1954 pour son voyage inaugural vers l'Indochine.

En juin 1954 lors de son voyage de retour il heurte le quai de Marseille, endommageant son étrave et est mis en cale sèche plusieurs jours. Vendu à la Compagnie Italia en octobre 1956, puis à Llyod Triestino en 1975 où il devient Alessandro Volta. Désarmé 3 ans plus tard à Trieste, il sera démoli en septembre 1979 aux Cantieri Navali del Golfo, la Spezia, Italia. Ses "Sister-Ship" sont  Edouard Branly et Henri Poincaré.

 Cette publicité fit beaucoup d'effet. En fait les riches bourgeois achetaient ces somptueuses voitures pour ne pas être en reste avec leurs "congénères" mais les gardaient dans leur garage !!!

La maman de Ginette avait une Studebaker qu'elle promenait matin et soir comme l'on sortait un chien. Notre voisin avait une superbe Oldsmobile pour honorer son gendre magistrat qui a été nommé - de ce fait - dare dare  Président du Tribunal de Saigon. Etc... Dans la vie de tous les jours, on sortait la Traction avant pour faire les courses ou on prenait le cyclo-pousse, le cyclo-moteur, le Lambretta pour 6/8. 
Notre bonheur et notre liberté c'étaient nos bicyclettes et, le comble du chic, le Velosolex. Je me rappelle du drame lorsque Marie avait égarée sa bécane ! des sanglots et des sanglots, te rappelles-tu Chère Amie ?.

Nous étions tout un groupe, les aînées Geneviève Motais de Narbonne et Béatrice de la Pommeraye avec ses frères Thierry et Didier (ils habitaient au 214 rue du Général de Gaulle et moi au 213 juste en face du Lycée). Nous aimions arriver avant l'ouverture du portail, attendre le passage d'une de  mes tantines ....pour participer au service de claques...¤

¤ Une de mes tatas, amie de Mme  Duong Huynh Hoa, célèbre gynécologue qui avait rejoint le maquis communiste avec sa Cadillac (!) reprochait à ses soeurs leur belle américaine dans un pays où le peuple meurt de faim. "Regardez-moi, dit-elle, le peûûple m'aime et m'acclame partout où je vais avec mon cyclo-pousse". Un jour je la voyais passer devant notre Lycée, saluant de sa main gantée "comme la Reine Elizabeth" le peûûple, pendant qu'à l'arrière le pédaleur faisait mine de l'étrangler à notre grande joie : nous  scandions son nom et applaudissions à tout rompre....

Comme elle me donnait des coups de rotin et m'obligeait à me courber ou m'agenouiller je ne disais rien à la maison. La même tantine se promenant au marché s'était vue arracher son collier et ses B.O par un "bandit à la tire"....La semaine suivante elle reçut une gifle retentissante de ce même bandit furax qui lui cria :" Avec le nom que tu portes, tu n'as pas le droit de porter du Toc ". "Pauvre con, c'est pas du toc c'est du Burma !" lui répondit-elle en le rouant de coups de parapluie pendant que son brave cyclo-pédaleur le coinça. La nouvelle fit le tour du Tout-Saïgon et du coup sortit l'histoire de ce brave cyclo-pédaleur et apprenti étrangleur.

De ce jour mon grand-père adoptif fit fabriquer ses véhicules avec le conducteur à l'avant....

Moi, pour mon service de claques, je préférai encaisser 20 coups de rotin plutôt que de dénoncer mes amis à Maître Motais de Narbonne, notre notaire....