" A vingt ans, il était le parfait play-boy, le roi de la danse. Il roulait en voiture décapotable longue, rouge, avec changement de vitesse automatique, excellait aux barres parallèles, montrait son sens inné de l'élégance. Et puis il était le chouchou de la reine mère, des mères, et de leurs filles, si fluides. "
Paris
Juin 1991. Giao et France Aimée son épouse. Photo extraite du Livre de Giao.
" A "Mabillon", tu m'apportes des brassées de lys blancs enroulés dans du papier kraft, des touffes de liserons d'eau, des feuilles de moutarde. Un éditeur te demande d'écrire ton autobiographie, en français. J'aimais t'entendre dire : "Le Livre de Giao". Tout a basculé.
C'est ton carnet de vie.
Posthume. "
" C'est l'histoire d'un enfant plein de grâce, d'un adolescent ardent et chevaleresque, d'un homme qui, les mains nues, épris de justice et de démocratie, a voulu servir son pays, le Viêt Nam, au-delà des mots.
Meneur d'hommes par nature, la défense des droits de l'homme a toujours été sa raison d'être. Avocat, il eut l'audace de rédiger la " Déclaration des Vietnamiens déshérités sur les droits de l'homme " qui fut proclamé en avril 1977 devant la cathédrale de Saigon. Arrêté, il passera douze ans dans des camps de "rééducation". L'histoire du Viêt Nam s'est imprimée dans sa chair. "..........
France Aimée NGUYÊN HUU GIAO
Exambella, 27 août 2001.
Préface de Bernard KOUCHNER.
Une Histoire d'amour
" Au Tonkin, en Cochinchine, en Annam, ce ne fut pas une conquête comme les autres. La France et le Viêt Nam, en dépit des guerres et des combats, de la colonisation et du communisme vécurent aussi une singulière histoire d'amour.
Voici le livre d'un Juste......
Voici des pages de révolte contre l'oppression, des pages sans haine et pourtant violentes. des pages de combat, oui, et une histoire d'amour. Avec la France et avec France.
L'histoire de la famille de Giao, les NGUYÊN HUU se confond avec l'Histoire des Empereurs d'Annam
.
Huê 1923. Le Prince UNG HUY, arrière grand-père de Giao et son épouse.
UNG HUY, Prince GIA HUNG QUAN VUONG, grand-père paternel de la maman de Giao, aurait dû succéder à l' Empereur DONG KHANH en 1888. A la suite d'une période trouble et malgré le soutien des Français, dont il voulait d'ailleurs garder une certaine indépendance, il laissa le trône au neveu de son grand-père : l'Empereur THANH THAI.
Aquarelles de François de MARLIAVE (1874 Toulon - 1953 Draguignan), frère du musicologue Joseph de MARLIAVE, famille aristocratique de Toulouse. Le peintre séjourna en Indochine en 1910 et en 1920 pour préparer l'exposition coloniale de Marseille en 1922. Réception au palais Impérial en l'honneur du Gouverneur Général Albert Sarraut. Avec nos sincères remerciements à.
free.fr belle indochine
" Demeurant rue Hang Gai (rue des Chanvres) à Hanoi, ma mère a fréquenté l'école des soeurs, Sainte Marie.
........C'est l'une des beautés de Hanoi. Sa silhouette fine et sa taille moyenne lui donnent une élégance
naturelle. Son visage ovale, orné d'une fossette, la rend attrayante. Toujours souriante et gai de nature, elle est le pont de mire de beaucoup de jeunes gens de bonne famille qui cherchent à
faire sa connaissance et souhaitent la demander en mariage. Mais personne n'ose faire le premier pas. Plus tard, la plupart de ces prétendants deviendront de hauts personnages dans différents
gouvernements du Vietnam. "Giao page 23/24
" Ma mère était très aimée par tous les membres des 2 familles : les Nguyên et les Nguyên Phuoc. Elle
descendait de l'Empereur Thiêu Tri (1807-1847), troisième roi de la dynastie des Nguyên." Giao page 22
Je suis né à Huê en Avril 1939, écrit Giao mais comme tout Asiatique averti il se garde bien de nous donner la date exacte, pour ne pas être en butte aux mauvais sorts qu'on risque de lui jeter.
1939 est l'année du Chat Vietnamien ou du Lièvre de Terre Chinois qui commence le 19 février 1939 et se termine le 7 février 1940.
A gauche : le Lièvre et le Roi Eléphant devant le Globe du Monde à sa source. Illustration d'un peintre syrien réalisée en 1354. Bibliothèque Bodleian Oxford.
Ainsi je me représente le Lièvre de Terre GIAO
HUÊ, CAPITALE des NGUYÊN, les Seigneurs du Sud au XVIè s., devient en 1802 la capitale du Viêt Nam tout entier après sa réunification par l'Empereur Gia Long, fondateur de la dynastie des Nguyên.
La CITE IMPERIALE se bâtit tout au long du XIXè s. L'ancienne Cité impériale (Dai Nôi) se situe dans l'enceinte de la CITADELLE ROYALE (Hoang Thanh). Construite au bord de la rivière des Parfums à partir de 1805 la CITADELLE est entourée de larges douves qui déterminent un périmètre de plus de 10km ainsi que des murs de 6m de haut sur 2,5km. La Citadelle est accessible par dix portes fortifiées, surmontées de tour de garde, dont quatre portes monumentales : au Nord la porte de la Paix, à l'Est, l'Humanité, à l'Ouest, la Vertu et au Sud, la porte du Midi (Ngô Mon) .
A l'intérieur de la Citadelle se trouvent la CITE JAUNE IMPERIALE et la CITE POURPRE INTERDITE, séparées par 7 bassins. La Cité pourpre interdite où vivaient l'empereur et sa famille a été anéantie par les bombes américaines de 1968. Seul subsiste le Théâtre Royal où sont donnés encore aujourd'hui des spectacles de musique traditionnelle de la Cour de Huê, reconnue comme patrimoine culturel immatériel du monde en 2003.
AVRIL 1939 . HUÊ. SA MAJESTE BAO DAI quittant le Palais impérial.
AVRIL 1939. Par arrêté du 17 Avril 1939, S.E. Luang Vichitr Vadakar, Ministre d'Etat, Directeur général des Beaux Arts de Thailande a été nommé membre d'honneur à vie de l'Ecole Française d'Extrême Orient. Le 29 Avril S.E est reçu en audience par Sa Majesté Bao Dai. Une soirée de danses anciennes lui fut offerte chez la Première Princesse. Des danses de Nam Giao exécutées par un groupe de guerriers, les danseuses aux lanternes du Palais et la troupe de chanteuses de la Première Princesse lui furent successivement présentées. S.E visita ensuite le palais et plusieurs sépultures royales.
AVRIL - JUIN 1939. Le Bulletin des Amis du Vieux Huê note " Une Princesse chrétienne à la Cour des premiers NGUYÊN ...."
1939. 20.000 Vietnamiens furent recrutés de force et envoyés dans les usines d'armement en France pour remplacer les ouvriers français partis combattre sur le front allemand. Appelés Công Binh, ils furent les pionniers de la culture du riz en Camargue.
Photos de Jean Manikus / Ecole française d'Extrême-Orient.
: porteurs de gong Chinh, de tambours Cô, d'étendards, défilant devant les notables.
La cérémonie du Nam Giao : tous les 3 ans le Souverain offre aux divinités du Ciel et de la Terre un gigantesque sacrifice.
1943. SAIGON, la capitale du SUD. Hôpital Grall où naissent en 1944 le 5è frère et la 6è soeur en 1945.
1947. HAIPHONG, le grand port du TONKIN. " La ville de Haiphong est la première vision que l'Européen rencontre sur la Terre Tonkinoise....".
Une accalmie et une nouvelle phase de prospérité pour la famille de l'Inspecteur des Douanes NGUYÊN HUU LIÊU
(1915-1986), chargé de reconstruire et de réorganiser le port.
La rue du Résident Morel est devenue en 1954 Phô Bà Huyên Thanh Quan.
Le 12 est aujourd'hui le siège de l'Ambassade de Slovaquie.
" Ma mère revient de Saigon avec la première voiture américaine automatique et décapotable, qu'elle a achetée, semble-t-il, au Prince Sihanouk. A Hanoi, elle acquiert, 12 rue Morel, une villa qui appartient au directeur d'un grand magasin français......" Giao page 40 et 41.
Comme la plupart des mères de famille vietnamiennes, tout en s'occupant de leur nombreuse progéniture, les femmes "font des affaires" à droite et à gauche. Giao écrit page 47 : " Puis j'aide ma mère à collecter les cotisations des "tontines" qu'elle organise avec ses amies pour améliorer son budget ou pour faire de gros achats.".
Bien entendu ces gros achats varient, par ex. pour mes tantes du Sud, de la Cadillac ou de la Thunderbird (pour emm...la belle-mère radine) à la superbe villa au Cap St Jacques pour pouvoir se mettre en bikini !
Page 40 " Ma mère fait venir de Saigon des produits importés par les sociétés Denis Frères pour les revendre à Haiphong. Ses affaires marchent très bien et améliorent notre train de vie. "
L'ex rue Morel est le quartier des Affaires étrangères et des Ambassades. On y trouve de belles villas modernes. Au n° 40, l'Ambassade de Russie.
" Je suis émerveillé par Saigon, cette ville qu'on nomme "la perle de l'Orient". Je fais alors la connaissance du cinéma permanent, du bus urbain et des
taxis. Les grands magasins m'attirent par la richesse, la diversité des marchandises et surtout les jeux. Saigon est moderne comparée à Hanoi, qui est une ville ancienne n'ayant presque pas
évolué.
A la rentrée des classes 1954, mon jeune frère et moi sommes envoyés à Dalat en pension, au lycée Yersin, où le chef du cabinet impérial s'est porté garant de nous. Chaque week-end nous sortons chez un autre oncle, le prince Vinh Can, cousin proche et compagnon d'enfance de l'empereur. Quelquefois, son chauffeur vient nous chercher avec sa limousine américaine, une Oldsmobile. " Giao page 54.
DALAT . LE LYCEE YERSIN
" Je rate ma licence en mathématiques, en partie à cause de la vietnamisation des cours. Je ne suis pas habitué aux termes mathématiques vietnamiens, ce qui ajoute à ma réticence à les apprendre. Mes parents, exaspérés, m'envoient à Huê faire du droit ". Giao page 60.
Retour sur la Terre Impériale des Ancêtres.
" En 1964 .....je débarque à Huê, la ville de mes ancêtres sous une pluie diluvienne d'Octobre.....Je prends mes repas chez la reine mère Duc Tu Cung, la mère de Bao Dai. Je l'accompagne après les heures de cours, soit auprès des tombeaux impériaux, le long de la rivière des Parfums, soit à la Cité interdite, qui ne l'est plus depuis longtemps. J'assiste au palais de Huê à des danses du ballet impérial qui évoquent le dragon, le phénix, les fleurs de lotus etc...Je poursuis mes études de droit à l'Université de Huê. " Giao page 63
En fait la reine mère Duc Tu Cung n'a jamais voulu quitter ce petit palais au 97 rue Phan Dinh Phung à Huê au bord de la rivière An Cuu, même au plus fort des combats et de la guerre. Mais elle aimait se rendre dans la Cité pourpre et surtout au Théâtre royal.
En 1954 Ngô Dinh Diêm confisque le Palais pour y installer 6 familles de professeurs de l'Université de Huê.
En 1975 le Palais est nationalisé par le gouvernement communiste qui en fit une résidence pour étudiants.
Dès 1955 la Reine Mère dut quitter ses appartements du Palais pour s'installer au 79 (aujourd'hui 145) de la même rue avec quelques meubles du Palais.
Elle y vivra jusqu'à son décès.
En 2000, soit un quart de siècle plus tard, le gouvernement fait appel aux experts de la République fédérale allemande pour le sauver, le German
Conservation Restoration and Education Projects (GCREP).
Ci-dessous une vue de cette folie baroque, admirablement restaurée par les experts allemands qui ont formé en même temps de jeunes vietnamiens pour la relève.
Duc Tu Cung aimait aussi se rendre sur les tombes des défunts empereurs pour porter des offrandes et prier.
Elle est morte le 3 Octobre 1980, à 9I ans, et repose près de son époux, au mausolée Khai Dinh.
A voir parissaigon.blog.lemonde.fr (cliquer)
Le 29 Janvier 1968 les Viêt-Công attaquèrent Huê (offensive du Têt). Après avoir massacré plus de 2.500 habitants, de ceux considérés comme "l'élite" ils tentèrent un assaut sur le camp restreint qui échoua. Les Américains, quant à eux, bombardèrent la Cité Impériale. Les forces de l'Armée populaire vietnamienne ne reprendront la ville que le 25 Mars 1975 lors de l'offensive Tây Nguyên contre l'armée sudiste de Thiêu.
En 1885 la Cité impériale a été entièrement détruite par les Français qui massacrent, incendient et pillent la ville. Les palais, archives et bibliothèques furent réduits en cendres.
Entre 1947/1949 c'est le tour du Viêtminh.
Enfin, en 1968, 80% de la Cité furent rasés par les bombes des Américains alliés du Sud. " Nous étions obligés de la détruire pour la sauver. "
L'offensive du Têt 1968 est la première guerre télévisée. Le public américain est secoué par les images de destruction et d'horreur et se retourne contre la politique de leur gouvernement.
En 1993, la Cité impériale "admirable poème architectural" est classée par l'UNESCO au Patrimoine culturel mondial. Sa reconstruction est entamée sous
son égide.
A la suite de cette déclaration, dont il était l'un des auteurs, Nguyên
Huu Giao fut arrêté et envoyé pendant douze ans dans des camps de rééducation.
1994. Fête du Têt. Avec Sa Majesté l'Empereur Bao Dai.
" A Paris, Giao revoit son Empereur, plusieurs fois. Ils se retrouvaient dans un café près des jardins du Trocadéro. Une fois Giao et moi sommes tombés sur lui dans la rue.
Puis en 1994 nous avons été invités à un grand déjeuner lors de la fête du Têt, deux mois avant la mort de Giao. Ils s'étaient parlé indéfiniment. L'Empereur n'avait d'ailleurs parlé qu'à lui." France-Aimée page 16.
Le 8 Avril 1994 Giao meurt à la Salpêtrière des suites d'une hémorragie cérébrale, après une opération de la dernière chance. Le Livre de Giao
est son testament.
Né le 21 Octobre 1913 au Palais Doan Trang Vien de Huê, le 13è et dernier Empereur du Vietnam meurt d'une tumeur au cerveau à l'Hôpital du Val- de-Grâce, le 31 Juillet 1997. A ses funérailles le gouvernement communiste envoie une couronne de fleurs. Il est enterré à Passy. Il faut attendre presque 10 ans pour que Sa Majesté ait droit à un monument funéraire, le 20 Mai 2006.
L'Empereur a laissé des Mémoires : Le dragon d'Annam. Plon 1980. Livre introuvable aujourd'hui.