L'étymologie de Pinterville qu'on trouve à plusieurs reprises dans les textes du haut Moyen-Age paraît à Mr. Le Prévost (historien du XIXè siècle) être d'origine franque. Son premier nom connu Pintardi est de consonance latine. De fait, la présence de Romains et de Gaulois peut être attestée par plusieurs découvertes archéologiques. Nombreux sont les indices prouvant que Pinterville se trouve au croisement de la voie romaine reliant Rouen à Chartres et de celle de Brionne aux Andelys. D'après l'Abbé Lebeurier, Pinterville serait le Perindivillare du diplôme de Charles Le Chauve confirmant les possessions de St Ouen, données en 816.
La seigneurie de Pinterville qui relevait du diocèse d’Evreux et du bailliage de Pont-de-l’Arche avait longtemps appartenu à la Couronne de France. La première mention de cette terre remonte à 965, date à laquelle le Duc Richard 1er détacha de son domaine privé l’Eglise et les dîmes de la Sainte Trinité de Pinterville, pour les donner à l’Abbaye de Saint Taurin d’Evreux qu'il faisait rebâtir.
En 1204, Philippe-Auguste voulant récompenser les services de Renaud Tatin, lui donna Pinterville qu'il avait échangé contre la terre de Moulineaux. Robert Le Praier, qui était fermier, figurait sur les rôles pour 96 livres tournois 10 sous de reliquat sur le fermage de Pinterville. Tatin était l'ancien arbalétrier de Richard Coeur de Lion qui avait introduit l'arbalète en Occident. Attiré par Philippe-Auguste dans le camp français, il contribua à la réunion de la Normandie à la France en se distinguant le 6 mars 1204 dans la prise décisive du Château Gaillard.
Tatin, seigneur de Pinterville, céda en 1206 à Etienne du Mesnil l'île Jourdan et le gord de Courcelles, moyennant une rente de deux flèches barbellées.
En 1206, lors de la nomination de Guillaume de Saint Taurin comme desservant de l'Eglise, Pinterville s'écrit Pintervilla alors que Louviers est Locumveris (le lieu du printemps) pour devenir Loviers en 1223, sur un document qui l'opposa à Thibaud d'Amiens, Archevêque de Rouen, au sujet du droit de haute justice sur ses vassaux résidant à Louviers (le fief Tatin de Louviers releva toujours du roi et il donna son nom à une rue de la ville).
Tatin dut mourir vers 1228 sans héritier mâle, le domaine de Pinterville revint à la Couronne (le roi lui avait permis en 1217 d'assigner en dot, à ses filles, la terre de Vaudreuil).
Le 21 mars 1230, Mr Thomas de Saint Taurin, curé de Pinterville, fut choisi comme arbitre par Jourdain du Mesnil.
Par lettres datées d'Etampes en 1248, la vingt-deuxième année de son règne, Saint Louis donna à Guillaume d'Aubergenville (neveu de Jean,Evêque d'Evreux), qui se mariait avec Lucie Poulain, fille d'Amaury, le manoir de Pinterville avec la moitié de ses revenus et lui afferma l'autre moitié pour 16 livres tournois. L'année suivante, le 2 mars 1249, l'archevêque Eudes Rigaud lui reconnaissait ses droits d'usage dans la forêt de Louviers : " Nous avons trouvé qu'il a son propre usage pour bâtir, clore, et réparer son manoir et pour construire un pont : à la Noël, il a un hêtre et une bûche".
En 1253, Saint Louis, dans une charte datée de Sydon déclara que les héritiers de Guillaume d'Aubergenville sont tenus de lui payer annuellement 16 livres tournois ; cependant, en raison des services rendus par Guillaume, son maître échanson, il leur en remet 11 ne se réservant qu'une rente annuelle de 100 sous tournois.
En 1258, Odon d'Aubergenville était seigneur de Pinterville; il mourut l'année suivante. Sa succession passa à Ligarde et à son époux Pierre de Meulan.
En 1260, ce dernier vendit son fief moyennant 3.200 livres tournois à Eudes Rigaud, Archevêque de Rouen, et à ses successeurs, qui continueront à acquitter le fermage de 100 sous par an et à jouir du droit de haute justice sur le fief de Pinterville.
Le 17 mars 1261, le prélat se rendit dans son domaine pour y recevoir les hommages de ses vassaux.
Le 8 février 1306, le Concile provincial de Normandie se réunit à Pinterville dans le manoir seigneurial; il se composait de Mathieu de Flavacourt, Archevêque de Rouen et des évêques d'Avranches, d'Evreux et de Séez.
Le 10 mars 1328, Guillaume, Archevêque de Rouen, demanda l'autorisation au chapitre d'Evreux de confirmer et de donner les saints ordres dans la chapelle du château de Pinterville qui lui appartient, tant que le siège épiscopal d'Evreux sera vacant.
Aimeric Guénand, qui a succédé comme Archevêque de Rouen à Pierre Roger, élu Pape sous le nom de Clément VI, mourut à Pinterville le 19 janvier 1344, quatre ans avant la destruction du château par les Anglais.
En 1451, les habitants de Pinterville plaidaient avec le sieur de Brézé, capitaine de Louviers, qui voulait les contraindre à faire le gué.
En 1491, le manoir de Pinterville fut donné à bail avec le pré de Buy à Jacques Le Manessier moyennant 20 livres tournois par an.
En 1506, on publia le rôle des personnes assujetties à payer le fouage dans la paroisse de Pinterville.
Les archevêques de Rouen conservèrent Pinterville jusqu'en 1577, date à laquelle ils le vendirent pour satisfaire, avec l'accord du Pape, les besoins d'argent du pouvoir royal, tout en se réservant le droit de la haute justice, qui est transférée à Louviers.
L'acquéreur, Jehan de Pressart (ou Prézac ou Pressac) et son héritier Loys de Pressart, ne le gardèrent que quatre ans. Les héritiers du nouvel acquéreur, Claude Le Maistre, le revendirent à leur tour.
En 1600, la terre de Pinterville fut adjugée à Gabriel Le Page, procureur général de la Cour des Aides, seigneur de la Montagne, moyennant 5000 livres tournois, l'Archevêque se réservant la haute justice qui fut transférée à Louviers.
En 1617, son fils Robert lui succéda, comme il le remplaça dans la charge de procureur général. De son mariage avec Louise de la Place, il laissa comme héritier Gabriel Le Page IIème du nom, et une fille Louise le Page, en religion soeur de l'Ascension au couvent Saint Louis de Louviers. Elle fit partie des célèbres possédées. Son démon Asphaxat la tint sous sa coupe pendant près d'un an et résista à l'application des reliques. Guérie en 1645, comme d'ailleurs toutes les autres religieuses, elle ne fit plus parler d'elle et fut même autorisée à être inhumée dans l'église de Pinterville.
En 1649, Gabriel Le Page IIème du nom, beau-père de Boisguilbert, devint propriétaire du fief. Nommé procureur général aux Aides en 1644, il fut maintenu de noblesse en 1666 et en 1675, il rendit aveu à François Rouxel de Médavy, seigneur de Pinterville, Surville et Camp Jacquet. Il avait droit de moulin et de pêche dans l'Eure, droit de péage sur tous les bateaux passant devant le manoir seigneurial.
En 1680, Suzanne Le Page, fille héritière de Gabriel, fit passer la seigneurie de Pinterville dans la famille Le Pesant par son mariage avec le célèbre économiste Pierre Le Pesant de Boisguilbert. Les Boisguilbert conserveront Pinterville jusqu'à la Révolution et l'abolition de la féodalité.
Parmi les héritiers de Boisguilbert, il faut citer Charlotte-Marie, veuve à 36 ans de Jean-Pierre Le Pesant, dernier fils survivant de l'économiste. Née Lecocq de Villeray, originaire de Lintot en Caux, elle avait 30 ans quand Jean-Pierre, 70 ans, l'épousa en mai 1753. Leur unique enfant, Jean-Pierre Adrien naquit le 7 mars 1754. Le 2 février 1760, Jean-Pierre, hélas, fut inhumé dans le choeur de l'église de Pinterville, tout comme sa première épouse Elisabeth Pinaut, décédée dix ans auparavant en 1750.
Charlotte-Marie fut une tutrice énergique et une active châtelaine. Elle sut encore intelligemment défendre la mémoire de son beau-père l'économiste en acceptant de remettre au marquis de Mirabeau divers manuscrits sortis de la plume féconde de Boisguilbert.
Jean-Pierre Adrien de Boisguilbert, mort en 1825, fut le dernier seigneur de Pinterville.
Dès 1785, son épouse Monique Amélie, née Guillebon de Montmirail, entretint avec l'auteur des Etudes de la nature, Bernardin de Saint Pierre, une correspondance suivie. La châtelaine facilita l'écoulement de nombreux exemplaires des Etudes à Rouen et applaudit de grand coeur au succès de Paul et Virginie.
Fief noble, avec basse, moyenne, et haute justice, la seigneurie de Pinterville comprend un domaine non fieffé, propriété personnelle du seigneur (le manoir, des terres labourables, des prés, des bois) et un domaine fieffé qui appartient aux tenanciers.
Mais ces derniers, reconnaissant la propriété éminente du seigneur lui paient des redevances en argent à la Saint Michel, en chapons et gelines à Noël, en oeufs et agneaux à Pâques, mais rien à la Saint Jean. Il verse aussi une taxe lorsqu'ils héritent ou vendent leurs biens mobiliers ou immobiliers. Le seigneur a également droit de moulin et de pêche en la rivière d' Eure, droit de péage sur tous les bateaux passant par ladite rivère devant le manoir. A noter dans le dénombrement de la seigneurie, six pièces de vigne étagées sur les coteaux exposés au soleil. Le chemin des vignes atteste encore aujourd'hui de cette existence..
En 1878, le Château fut vendu aux riches savonniers de Marseille les Rostand, illustrés par l’auteur de Cyrano et de l’Aiglon.
Après diverses tribulations, en 1978, le domaine fut acquis pour ses enfants adoptifs par Marguerite Marie Tran -- Maguy Tran --, petite fille des banquiers chinois Kung et Soong, beaux-frères de Sun Yat Sen et Tchang Kai Shek. Philosophe, économiste, Marguerite Marie Tran contribua à rétablir la mémoire de Boisguilbert tout en restaurant le château gravement endommagé pendant la deuxième guerre mondiale.
Vingt années durant (1978-1998), Pinterville est devenu le rendez-vous de poètes, d'écrivains, d'artistes célèbres. L'Académie française, l'Académie Royale de Stockholm, l'Académie Royale de Belgique et leurs illustres membres honorèrent régulièrement de leur présence les salons du Château.
N.B. : Pour l'historique du XXème siècle nous vous remercions de voir la Page :
HISTORIQUE II. 1978 cliquer
Portrait de Boisguilbert par Jean-Baptiste Santerre, peintre d'histoire et de portraits né à Magny-en-Vexin le 1er janvier 1658, membre de l'Académie Royale le 18 octobre 1704, mort le 21 novembre 1717.
Collection du Marquis de Fayet.
Ne pas oublier : Pierre de Boisguilbert ou la naissance de l'économie politique tome 1 et tome 2, INED 1966.
Jacqueline HECHT
En fait, dès 1878, les armoiries de Boisguilbert furent remplacées par celles des Rostand : une couronne surmontant deux écus, telles que nous les voyons sur l'imposante grille ci-dessus.
Les travaux les plus importants, d'après les factures et mémoires des architectes, se situèrent entre 1878 et 1880.
Un siècle plus tard, dès 1978, sur sa propre cassette, Maguy Tran a entrepris d'autres travaux importants, interrompus par l'arrivée d'un nouveau Juge des Tutelles du Syndicat de la Magistrature.
Inexpérimenté, manipulé par un petit notaire ambitieux, et aussi par quelques ronds-de-cuir de la Préfecture, il sèmera le désordre et fera le malheur de
notre famille. Ce n'est pas l'affaire Grégory, ce n'est pas Outreau mais tout de même.
Maguy se heurtera au Mur de l'Atlantique, pour ne pas dire Mur des Cons... Ce sera Historique II.
Lire Page HISTORIQUE II cliquer
Lire Page PETITES HISTOIRES
cliquer
Généalogie familiale rédigée par le Marquis de Civille et transmise par le 11ème Marquis de Boisguilbert à L'INED dans les années soixante. A l'aube du 21ème siécle, le 13ème Marquis de Boisguilbert, Pierre, né en 1948, perpétue le nom et la glorieuse mémoire de l'économiste.
Le Page : d'azur à trois faces d'or au lion de sable armé et lampassé de gueules brochant sur le tout.
Le Pesant : d'azur, au chevron d'or accompagné de deux têtes de lion du même en chef et d'un coeur aussi d'or en pointe.
L'église de la Sainte Trinité de Pinterville, admirablement restaurée en 1979. Sept des neuf enfants de Boisguilbert y furent baptisés et certains de ses descendants reposent toujours dans le choeur de l'église. A gauche, le presbytère où vécut le Bienheureux Père Laval, restauré avec goût et entretenu avec bonheur depuis des lustres par M. et Mme Christian Valet, les bienheureux propriétaires.
L'aile gauche du château où résidait Marguerite Marie Tran - Maguy Tran - encore quelques étés avant de s'envoler vers d'autres cieux.
La chandelle de notre histoire a brûlé
La vie est fleur de pissenlit soufflée
Dans l'imprécis. Mais la main toujours est là
Qui mène la terre boire à l'eau du ciel.
Le messager passe dans la cité des feuilles,
Sous les feux déclinants de septembre.
Le printemps est à l'écoute, l'hiver
A souci de l'aconit et du lis gelé.
Chacun guette l'augure d'une étoile
Et règle sa solitude sur celle des cieux.
Qui va demander pourquoi,
Le vélo posé contre la haie,
Nous entrons dans la maison de Dieu ?
Qui va demander
Si, en passant le seuil de nos portes,
Nous percevons un peu plus, un rien de plus
Que les commérages qui sautent les murs ?
Christopher Fry, traduit par Philippe de Rothschild.