Nous avons vu comment le zèle anti-colonialiste a recouvert de chaux blanche la fresque "La Métropole" que Victor TARDIEU a mis 6 années
à réaliser de 1922 à 1928 dans le grand amphithéâtre de l'Université de Hanoi (elle fut inaugurée en 1929). Irrémédiablement détériorée et perdue elle a été remplacée en hâte par une autre
fresque sans grand caractère...pour célébrer en 2006 le centenaire de l'Université de Hanoi.
Et voilà que d'autres petits soldats, barbouilleurs, contestent à NAM SON le titre de co-fondateur de cette prestigieuse Ecole qui n'existerait pas - du moins à cette époque - sans les insistances persuasives de cet amoureux des Arts et de son Pays, auprès de son Maître Victor TARDIEU. La photo de NAM SON assis au même rang que les professeurs montre de toute évidence que le grand peintre était un des piliers de cette Ecole. Fidèle et discret disciple de son mentor Victor TARDIEU, de tout temps NAM SON s'était effacé derrière ses lourdes responsabilités et ne s'était jamais mis en avant.
Sur l'autel de ses ancêtres le disciple NAM SON avait placé le buste en bronze de son maître TARDIEU par Georges Khanh et chaque 12 Juin il
commémorait l'anniversaire de sa mort .....Jusqu'au jour de sa propre mort le 26 Janvier 1973 dans sa petite maison au centre de Hanoi. Enterré dans le jardin de la demeure de Nam Son pendant la
période trouble, il a repris aujourd'hui sa place sur l'autel des ancêtres de Nam Son.
Je souhaiterai voir un jour le buste de Nam Son à côté de celui de Tardieu.
" ..N'allons pas réécrire l'histoire ! Toutefois il serait bon aujourd'hui , en toute sérénité, de dissiper les malentendus, qu'ils soient linguistiques ou
idéologiques, afin de transmettre aux enfants du Vietnam, une véritable mémoire.
Les jeunes vietnamiens qui fréquentent en cette année 2010, l' Ecole des Beaux-Arts de Hanoi, sont nés après le Doi Moi. Ils n'ont connu ni l'après-guerre, ni la guerre américaine, ni la guerre d'indépendance, ni la Révolution. ..... Quant à l'époque coloniale, pour eux c'est de la préhistoire ! Mais c'est leur histoire et ils doivent la lire avec sérénité afin d'en mesurer toute la grandeur, mais aussi d'en connaître toutes les faiblesses ou les erreurs, sans lesquelles il n'y a pas de grandeur. Il est donc essentiel de leur dire ce qu'ils doivent aux deux fondateurs de leur Ecole : NAM SON et Victor TARDIEU. Deux hommes : un vietnamien, un français, qui avaient tous deux non seulement un grand talent, mais aussi une grande valeur morale, deux hommes dont les noms sont liés à jamais et qui ont eu réciproquement (malgré pourtant leur différence d'âge et leur statut social) une riche influence l'un sur l'autre. Ils ont réussi, là où tant d'autres ont échoué. Ils ont créé ensemble une oeuvre respectable. Un superbe métissage."
+ Janine GILLON. Paris, Janvier 2010 IN MEMORIAM Décédée en 2012 à 80 ans "Jaja" GILLON a donné son corps à la médecine.
Avec nos remerciements émus à www.cidvietnam.org posté le 12 Février 2010
D'autres grandes dames, historiennes de l'Art, ont rendu justice au Maître NAM SON :
Corinne de MERONVILLE LA PEINTURE VIETNAMIENNE. De la tradition à la modernité. Ed. ARHIS Paris 2003.
Une des plus éminentes spécialistes de la peinture du Vietnam, Corinne de Meronville est expert auprès de Sotheby's Singapour, Lesea, et du musée Guimet.
Loan de FONTBRUNE de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer. Historienne de l'Art. Commissaire de l'Exposition "
DU FLEUVE ROUGE AU MEKONG " au Musée Cernuschi - 21 Sept. 2012 au 27 Janv. 2013
Christine SHIMIZU Conservateur général du patrimoine français. Directrice du Musée Cernuschi (2011-2015)
Lire Inauguration
Librairie Art A. Pentcheff (Rubrique ARTS I)
Lire Tuvietfr.com/ une-classe-de dessin
posté le 27 Mars 2015
Avec nos sincères remerciements à Monsieur NGUYÊN TU HUNG et au Professeur DINH TRONG HIEU
Lire aafv.org/ Nam-Son-le peintre posté le 11 Juin 2006, dernier ajout le 28 Janv. 2009
Avec nos vifs remerciements à Monsieur HUU NGOC
Lire http:// damau.org /archives /6284 posté le 23 Mai 2009 par NGO KIM KHOI, petit-fils de NAM SON
Lire http://phannguyenartist;blospot posté le 31 Juillet 2014 par PHAN NGUYÊN
Lire NGÔ KIM-KHÔI, LE VOYAGE INITIATIQUE L'Héritage moral de NAM SON posté le 19 Nov. 2015
A la suite de ce courrier nous enlevons de la liste les 2 oeuvres attribuées à NAM SON
:
- le tableau du Musée des Beaux-Arts de Hanoi : "La Leçon" de LE VAN MIEN, ancien des Beaux-Arts de Paris
- le paysage peint par l'Empereur Ham Nghi
Mais nous laissons à sa place le tableau vendu par Piasa en 2009 et que le Professeur DINH Trong Hieu considère comme douteux.
Nous ajoutons plus loin les dernières photos des tableaux de Nam Son, envoyées par le Professeur DINH Trong Hiêu avec nos vifs remerciements.
A propos des "Aigrettes blanches et poissons rouges" : c'est une estampe. qui a été tirée en plusieurs
exemplaires originaux. Voici ce qu'on peut lire dans le manuscrit de Ngô Kim Khôi, " NAM SON - SA VIE, SON OEUVRE " p. 62-63 :
" 1932, Nam Son reçoit le " Diplôme de mérite " à Rome (février 1932) pour son estampe kakémono en sept couleurs " Aigrettes blanches et poissons rouges " (circa 1928, 47cm x 77cm, support 68cm x 128cm) qu'il a exposée l'année précédente à Rome. Utilisant la technique de l'estampage populaire, Nam Son y représente deux aigrettes, symbole de la Longévité dans la conception asiatique, perchées sur une branche dans une position très gracieuse, l'air semble sentir le frôlement d'ailes semi-ouvertes. Dans les flots riants, quatre poissons rouges dansent en ces milieux appropriés, ses habitats coutumiers, laissent entrevoir l'esprit de l' espérance vers la Réussite. L' espace est construit dans les feuillages denses et les vagues arrondies, dans un style qui porte l'influence de Félix Aubert de la technique des Arts décoratifs.
Cette estampe est reproduite dans l'Illustration du 2 Novembre 1929 (numéro 4522, page 512) et dans Nam-.Phong, (hors-texte, numéro 176, septembre 1932). Elle a été réimprimée en plusieurs exemplaires gravés du sceau de L'Ecole des Beaux-Arts de l'Indochine. Quelques autres exemplaires signés en sinogrammes et tamponnés du sceau de Nam Son sont spécialement réservés à ses proches. ".
Le Colonel Pouyanne ou Alix Turolla-Tardieu, parmi d'autres en possède chacun un exemplaire sans signature et sceau de Nam Son.
QUELQUES DESSINS DE NAM SON (1890-1973)
Je me suis promis, in petto, de montrer à mes amis de classe (et à tous mes condisciples) d'Albert Sarraut, quelques dessins de notre respecté professeur de dessin : Nam Son. Cela remontait à des dizaines d'années. Le travail semblait facile, en réalité, non. Mais il est à tenter, car ces quelques dessins suffisent à donner une idée du talent de Nam Son, sans tomber dans le piège des "faux". L'affaire est simple à expliquer : une expertise d'un tableau est chose complexe, comment faire pour démontrer qu'un tableau est "faux" ( c'est à dire qu'il ne provient pas de la main de l'artiste signataire, mais procède d'une copie) sans donner aux faussaires les moyens de s'améliorer dans leurs stratagèmes, et ce, avec les moyens du bord, évidemment sans les lourds moyens scientifiques des musées. Les dessins de Nam Son se révèlent inimitables, là réside le fondement de son originalité. Si donc quelqu'un arrive à imiter ses dessins, l'individu aurait acquis suffisamment de maîtrise dans son art pour pouvoir signer de son propre nom, sans avoir à se camoufler derrière le nom de Nam Son.
Comment réunir cependant un corpus des dessins de Nam Son, alors que le Musée des Beaux-Arts, à Hanoï n'en possédait aucun jusqu'en 1995 ? et que ceux-ci ne faisaient qu'une brève apparition lors des expositions, ici et là ? Il suffisait cependant de frapper à la bonne porte et, si je raconte maintenant ma première rencontre avec les dessins de Nam Son, c'est que, rétrospectivement, l'endroit a aussi marqué la renaissance de la peinture au Vietnam contemporain.
C'était en 1982, au " Café Lâm ". 1982, ce furent dix ans après les raids des B 52. Hanoï restait pauvre mais se relevait de ses blessures. J'en étais à ma deuxième mission officielle, la première ayant eu lieu en 1979. En ces temps, les amateurs d'art ne couraient pas les rues. J'avais atterri au " Café Lâm ", 60 rue Nguyên Huu Huân, un boui-boui innommable, présent dans peu d'ouvrages d'art et qui, néanmoins, avait permis un décollage vertigineux à la peinture vietnamienne, quand douze ans après, en 1994, Durand-Ruel y avait acheté un tableau de Nguyên Sang représentant le peintre Bui Xuân Phai en compagnie du maître de céans, pour quelques dizaines de milliers de dollars. Personne à l'époque n'en croyait ses yeux. Désormais, par l'achat d'un galeriste de renom, et à un prix confortable, la peinture vietnamienne retrouva ses lustres.
Mais revenons à 1982. Je débarquais dans le Café tenu par Monsieur Lâm. A peine assis, le maître de céans, personnage effacé et doté d'yeux " chassieux "¤, déclara d'emblée, avec une petite fierté non feinte, sans qu'on lui demandât quoi que ce soit : " J'ai même des dessins de Nam Son ". Or, j'étais élève de Nam Son, 5 ans durant au lycée Albert Sarraut, ce nom me tinta à l'oreille. Joignant le reste à la parole, il tira du dessous de là où il était assis, c'est-à-dire d'un bat-flanc calamiteux aux vastes dimensions, tout un trésor....Monsieur Lâm, si nos historiens et historiennes d'art l'avaient fréquenté et écouté (seul ennui, il ne parlait que vietnamien), l'aventure leur eût évité des erreurs de taille dans des ouvrages savants, car chez lui, à cette époque, pour n'importe qui s'intéressait à l'art, l'accès à des oeuvres authentiques et de renom fut non seulement possible, immédiat, mais encore gratuit.
¤ Mat toét. En réalité, son oeil gauche est glauque, l'ensemble faisait croire à une chassie
NGUYÊN SANG : Portrait de Monsieur LÂM en compagnie de BUI XUÂN PHAI, à droite, assis devant l'affichage du prix du café
(" Café noir, 0,30 "). Peinture à l' huile. 1er Mai 1964. 64 x 88 cm. Daté et signé en haut à gauche. Collection DURAND-RUEL;
La Providence pourvoit toujours, sur le chemin des artistes nécessiteux, quelques-uns de ces personnages atypiques tels que le cafetier Lâm : il servait gratis à de vrais artistes désargentés, qui des oeufs sur le plat, qui des cafés noirs bien corsés, en retour nos peintres le payaient en nature : tableaux à l'huile, dessins aux dimensions variables......Mais ça, c'était durant la période de pénurie. Depuis belle lurette déjà, monsieur Lâm, derrière ses paupières mi-closes, faisait son choix parmi les tableaux remarquables : je suppose que les grandes toiles d'Inguimberty en sa possession n'aient pas été obtenues par le troc décrit ci-dessus, oeufs contre huile, et que certains dessins de Nam Son eussent atterri chez lui grâce à des " voleurs ", comme on le prétendait, nous verrons pourquoi....Voici donc ces dessins, dans l'ordre chronologique.
Cette oeuvre fut exposée à Paris en 1998 au Pavillon des Arts. C'est un véritable portrait abouti, au crayon, dont les traits suivent les replis de la peau, sur le visage comme sur les mains. La jeune fille est accroupie, les deux jambes légèrement repliées du même côté, selon une posture typique que l'on remarquera dans la plupart des portraits de femmes de l'époque, la main gauche appuyée sur le sol, devant un chapeau conique simplement esquissé. D'emblée elle nous regarde sous son turban noir en forme de " bec de corbeau ", ce qui signifie qu'elle est en tenue de sortie. Très peu de coloris, le brun de la robe " à quatre pans " est obtenu par la sanguine, tandis que le noir traditionnel du pantalon porte des rehauts de gouache. Coloris sobres mais variés, chaque détail révèle le soin de l'artiste. Nous attirons l'attention des lecteurs sur l'état de conservation des dessins et tableaux de Nam Son : très peu d'oeuvres sont intactes, le support en papier présente de larges déchirures, souvent tacheté de saleté.
Monsieur Lâm était conscient de la valeur artistique des oeuvres en sa possession, mais comme un collectionneur qui vit dans la familiarité de son trésor, qu'il partage volontiers avec autrui, il n'estimait pas devoir les protéger selon les règles en vigueur.
NAM SON : "Portrait d'une jeune Tonkinoise accroupie" Mine de plomb avec rehauts en couleurs. Large déchirure au tiers du bord haut, à gauche. 1931. 50 x 64cm. Signature et date en bas à droite.
Collection NGUYÊN VAN LÂM.
Ci-dessus : détails montrant la richesse du dessin
Nam Son excelle dans les dessins de profil de gens, souvent de basse condition, dont il nous laisse des portraits vivants, fouillés et néanmoins pris sur le vif dans la tradition des grands artistes occidentaux qui fixaient avec réalisme des scènes de la rue : mendiants, hommes de peine... Les portraits faits par Nam Son évitent le côté misérabiliste et nous font côtoyer avec familiarité l'homme du peuple, tout en soulignant ce qui fait le beau dans la quotidienneté. C'est une qualité assez rare chez les artistes ayant exercé en Indochine pour qu'on le soulignât. L'oeuvre fut présentée à une exposition sur le Vietnam, au Bon Marché à Paris, en 1995.
NAM SON : Profil d'homme au chapeau. Mine de plomb
et sanguine. Profondes traces de pliures.
Signature et date en bas, à droite; " Hanoï, 1938 ".
59 x 40cm. Collection privée.
Le dessin ci-dessous, d'une grande délicatesse, fut probablement inachevé.
La jeune femme est assise le bras gauche posé sur le dossier de la chaise dont l'armature est esquissée, avec beaucoup de précision, ainsi que le bas de la robe, le pantalon, les chaussures. Par contre la coiffe constituée de longs cheveux tressés puis enroulés est très bien rendue,avec les rehauts de blanc. Le visage dont la couleur est suggérée par la sanguine est vivant et semble esquisser un léger sourire. La main pend gracieusement.....On dirait que l'artiste abandonne momentanément son modèle, pour revenir une autre fois parachever son oeuvre et la signer, ou pour transposer son dessin sur de la soie. Madame Lâm, seize ans plus tard aura son portrait peint à l'huile par Nguyên Sang. Le couple Nguyên Van Lâm, sans tambour ni trompette, laisse ainsi l'image d'amateurs appréciés par des artistes de renom. Il est tout à fait exclu que de tels dessins eussent atterri chez Nguyên Van Lâm à la suite de " vols ".
NAM SON : Portrait de femme. Mine de plomb sur papier, avec rehauts en couleurs et sanguine. Papier ridulé, avec taches et déchirure. 1938. 54,5 x 81cm.
Collection NGUYÊN VAN LÂM
Ci-dessus : détails du visage et du bras.
Parmi les dessins de Nam Son, celui que je préfère le plus est encore un profil gauche d'un homme âgé. Contrairement aux autres portraits, il n'a été montré dans aucune autre exposition, c'est fort dommage, non pas pour l'artiste, mais pour les expositions car une oeuvre de cette qualité n'aurait pas du essuyer le refus à cause de quelques salissures et/ou déchirures. Je vous montre ce portrait qui est chez l'un des descendants de Nam Son grâce à qui j'ai pu faire des reproductions, à loisirs et à plusieurs reprises. On ne s'en lasse pas. Il y a lieu de pasticher l'éloge du "sonnet sans défaut " pour l'appliquer à ce cas précis : un dessin sans défaut vaut mieux qu'un immense portrait ! Juste un seul commentaire : pour dessiner le vêtement, Nam Son prend le morceau entier de pastel gras, d'un geste rapide, à plat, il l'étale autour du cou du personnage : vous avez le col esquissé , puis le pastel fait quelques mouvements rapides, sans s'appesantir sur les détails. La maîtrise manuelle atteint son apogée.
NAM SON : Portrait d'un vieillard. Sanguine et pastel gras sur papier. Petites taches de saleté, petite déchirure sur le
bord haut. Signé et daté en bas, à gauche. 1938. 50 x 60cm. A droite : détails. Collection NGÔ KIM KHÔI
Un autre dessin, fort abîmé, exécuté deux ans plus tard, porte le sceau d'un grand artiste : toujours un homme du peuple montrant son profil droit. Le large chapeau en forme de panier est esquissé de quelques coups de sanguine. Toute l'attention du dessinateur se concentre sur les contours du visage. L'usage de la sanguine fait saillir la pommette, tandis que la mine de plomb souligne la coiffure, les sourcils et la moustache. Cette mine de plomb, utilisée seule pour la tunique, suffit à rendre, par contraste, la blancheur du vêtement. Quelques coups de crayon et l'artiste suggère avec maestro tous les détails vestimentaires. Nous avons un portrait d'un grand réalisme : l'art de Nam Son, pour cela, détonne au milieu du paysage pictural indochinois. La précision de ses coups de crayon, de même que le rapide frottis du fusain, montre qu'on est en présence d'un grand dessinateur. Chapeau !
NAM SON : Profil d'homme au grand chapeau. Mine de plomb sur papier, rehaussé de sanguine, fusain. Grande déchirure en bas à droite. 1940. 50 x 64cm. Signature et date en bas à droite . Collection NGUYÊN VAN LÂM.¤¤
¤¤ Nadine André-Pallois présente ce " Portrait d'un paysan " comme étant au Musée des Beaux-Arts du Vietnam, à
Hanoï (" L 'Ecole des Beaux-Arts de l'Indochine : une création d'esprit occidental ", 2005, pl III, 1) dont elle a pris un cliché ; alors qu'à l'exposition " Paris, Hanoî, Saigon " au Pavillon des Arts à Paris, 1998, le dessin fut bien prêté par Nguyên van Lâm. Il est fort probable que ce dessin ait été acquis par l'Etat après cette date, il n'est que temps.
Début 1947 : la guerre. Hanoï dévastée. A la rentrée d'Octobre, la plupart d'entre nous réintègre le Lycée Albert Sarraut. J'étais au Petit Lycée, juste à côté du Grand. Deux années plus tard j'ai changé de côté et entrai en 6è (1949) : la rencontre avec Nam Son devient une réalité désormais hebdomadaire, jusqu'en 1954.
NAM SON : " La rue des Coffres " (Phô Hàng Hom). Encre de chine sur papier, avec rehauts de couleur et sanguine.
1947. 30 x 36cm. Signature et date en bas, à gauche.
Mentions manuscrites de NAM SON et sceau de NGÔ KIM KHÔI au verso. Collection NGÔ KIM KHÔI.
Pendant ses cours, Nam Son ne nous disait rien, ne nous parlait jamais de son passé aux Beaux-Arts de Hanoï, ni de son travail de peintre. Ce n'est que par ma famille que j'ai su que c'était un artiste-peintre, mon père ayant été au Lycée du Protectorat avec Nam Son et ma mère fréquentait sa famille. C'est aussi plus tard, très tard, que j'ai su que tout le début de 1947 durant, il parcourait Hanoï et la proche banlieue pour faire des dessins, pour fixer les scènes et ravages de la guerre. J'ai eu l'occasion d'écrire (en vietnamien) sur les témoignages picturaux de Nam Son et ne voudrais plus y revenir, pour porter mon attention sur le dessin que je vous présente ci-dessus. Il est chez le descendant de notre professeur et orne son mur. Vous n'y décèlerez aucune trace de misérabilisme, néanmoins ces dessins cachent mal la grande souffrance de l'homme devant la dévastation de sa ville. Il témoigne mais en artiste. Plus tard, quand Hanoï sera sous les B 52, un autre artiste qui fut l'élève de Nam Son, Bui Xuân Phai, laissera des gouaches de témoignage sur la guerre, témoignage pictural d'une grande beauté, comme il sied à un vrai artiste. Avec celles de Nam Son, ce sont des oeuvres d'art qui ont dépassé le cap de l'anecdotique, pour atteindre l'universel humain. le cas est assez singulier au Vietnam, pour que je me permette de vous le rappeler.
Récemment j'ai vu sur le Site de Madame Maguy Tran plusieurs pages sur Nam Son. J'ignore la raison de cette attention particulière à l'égard de notre ancien professeur de dessin, j'y ai relevé quelques menues erreurs d'attribution auxquelles elle a remédié dès que je les lui ai signalées. Ces pages portent une mention qui m'a frappé par son exactitude et que les gens qui ont connu Nam Son apprécient grandement : notre ancien professeur n'a jamais quitté son pays, il est décédé le 26 Janvier 1973 à Hanoï, juste au moment où les Accords de Paix vont être signés à Paris. Je signale ici ce détail, car j'ai lu dans un livre écrit par un universitaire, très sérieux par ailleurs, qui prétend que Nam Son a quitté le pays en 1954 pour rejoindre le Sud-Vietnam ¤¤¤ ....Qu'est ce à dire ?
DINH Trong Hiêu
¤¤¤ Trinh van Thao. Les compagnons de route de Hô Chi Minh, Histoire d'un engagement intellectuel au Viêtnam.
Ed. Khartala, Paris 2004.
Lire la Capture d'écran ci-dessous.
Lorsque le jeune Nguyên Van Tho vit le jour en 1890 Hanoi était une capitale coloniale en pleine expansion :
Construction des Halles de Dong Xuân
Mise en circulation du Tramway électrique
Aménagement du Jardin Botanique, à côté du lac de l'Ouest et du lac du Bambou blanc; le lycée Albert Sarraut est au Sud.
Plus tard, avec le Gouverneur Paul Doumer, futur président de la République française ce sera la construction du pont Paul Doumer, rebaptisé pont Long Biên.
Construction de l'Opéra....
Orphelin de père à 4 ans le petit garçon est confié par sa mère à un lettré Phan Nhu Binh, érudit, respectueux de la tradition mais tourné vers l' avenir c-à-d vers la France, vers la
culture de l'Ouest.
Très jeune il est initié à la poésie, la philosophie, la calligraphie, l'art sous toutes ses formes.
A dix ans il entre à l'école franco-vietnamienne tout en suivant à la maison l'étude des caractères chinois. Il poursuivra son parcours au Lycée du Protectorat .
Une éducation humaniste parfaite.
Lire VIETNAM HANOI CAPITALE DU
NORD
Loin de nous l'idée de dresser la Biographie de NAM SON, mais avec le peu que nous savons de lui, nous essayons de suivre ses pas et de traverser avec lui ce "sillage éclair de siècle". Qu'on se représente cet homme né dans une capitale coloniale en pleine prospérité traversant sans trop de dégâts la Première guerre mondiale et, grâce à une mère tendre et vigilante, a reçu une éducation soignée qui lui permit de gagner par son charisme l'estime de Victor TARDIEU. Avec ce Maître il réalisa son premier rêve : traverser les mers, connaître la France et quelle France ! Celle des Années Folles bouillonnante de créativité et de liberté, celle du bonheur de vivre....Celle du grand tournant de l'Art. Malgré cela il n' était pas tenté et retournait dans son pays pour réaliser son autre grand rêve : bâtir une Ecole pour concilier l'Art et la Culture de l'Est et de l'Ouest. Loin des rumeurs et des fracas de la politique. Déjà en 1923, Nam Son a dû cacher sur l'autel de ses ancêtres le portrait à l'huile d'un de ses maîtres, lettré et patriote, anti-colonialiste......
Sans doute a t-il vécu des années plus que difficiles après le départ de la France. Mais il a survécu avec courage et dignité. C'est une formidable leçon de VIE.
Et voilà que la politique le rattrape par la petite porte, voilà qu'à présent quelques-uns de ses compatriotes lui contestent ce qu'il portait de plus cher en lui : cette sienne Ecole qui fut, après la sienne famille, la part la plus chère et la plus sacrée en lui.
Pauvres et misérables petits juges barbouilleurs qui indignent tous les historiens de l'Art occidentaux.
Lire la suite NGÔ KIM-KHÔI , LE VOYAGE INITIATIQUE L'Héritage moral de NAM SON
Mail du 25 Octobre 2015 du Pr. DINH TRONG HIEU. Reçu à 10h27 Dimanche
"........Une amie ancienne galeriste à Hanoi et qui connaissait Nam Son m'a raconté que sur ses vieux jours Nam Son errait pauvrement (mais proprement) vêtu dans les rues de Hanoi, une besace en jonc sur son épaule : il ramassait les feuilles mortes....Sa famille m'a dit qu'au moment de trépasser, il délirait et croyait pouvoir aller en France, les accords de Paix allaient être signés ! Le régime (communiste et les tenants de l'orthodoxie en Art) ne l'a pas beaucoup aidé, bien au contraire, et c'est normal que des gens beaucoup moins doués tentaient de le rabaisser.
Sa famille adoptait une stratégie qui s'avère catastrophique : on tablait sur sa position en tant que "co-fondateur" de l'Ecole des Beaux-Arts de Hanoi, son fils bataillait pour qu'une rue de Hanoi portât son nom. Las ! cela n'a fait qu'exacerber la jalousie des minus. On cachait ses tableaux de peur qu'ils soient volés. Mais non au contraire, il faut montrer son talent, une oeuvre célèbre risque moins le vol qu'un tableau caché derrière les volets en bois. Mais je n'ai pas à juger de la conduite des proches de mon Prof. Je reçois comme autant de coups assénés, à droite comme à gauche, notamment quand j'ai appris que la maison, construite sur le modèle de ses rêves, pour abriter l'autel des ancêtres et ses trésors, qui aurait du être transformée en Musée, fut vendue."